Qu’est-ce qui t’a amené à te porter candidat ?
La personnalité d’Eric Goffart. Nos premiers contacts sont liés à sa fonction d’Echevin du Numérique. Je travaille à Technofutur TIC. Il a inauguré l’EdULab en 2020. Il m’a associé à la conception du Salon de l’inclusion numérique en septembre 2022 à Charleroi, une première en Wallonie.
« Charleroi a besoin de gens nuancés, déterminés, excellents gestionnaires de la vie »
Il m’a fait découvrir les Engagés dont j’ai apprécié les valeurs et l’esprit nuancé. Le mouvement correspond à mes propres valeurs, ma culture, mon mode de vie, ma conception du travail. Pour assurer les transitions du futur de Charleroi, il faut des gens qui réfléchissent avec nuances, qui sont déterminés et qui sont d’excellents gestionnaires de la vie.
Eric incarne tout cela. Alors quand il m’a proposé de le rejoindre pour les élections communales, j’ai répondu présent.
Ton parcours ?
Je suis Montois de naissance. Papa est venu travailler à Charleroi dans les années soixante. J’y ai grandi et étudié. Carolo un jour, Carolo toujours, non ?
J’ai vécu dans une perspective sociale-chrétienne : école, patro, etc. J’assume mon passé. Ces valeurs forment une épine dorsale forte, indépendamment de tout sentiment religieux ou de croyance.
« Un livre sur Kabila en 10 jours »
Après mes études de droit à l’UCL, j’ai travaillé dans le monde de l’édition pendant une quinzaine d’années. Pour les éditions Wolters Kluwer, De Boeck et Quorum que j’ai créé avec mon épouse Martine. Avant de découvrir le numérique.
En quelle année ?
En 1997.
Si tôt ?
Ma date-clé c’est le 17 mai 1997, le jour où Laurent-Désiré Kabila prend le pouvoir au Congo.
Pardon ?
Nous avions décidé de raconter son expédition avec un auteur de Charleroi, Germain Mukendi. Le numérique n’avait évidemment pas la même puissance qu’aujourd’hui. Et le terme n’avait pas encore supplanté le mot « informatique ». Les connexions Internet étaient possibles à grande échelle depuis la naissance du Web en 1989. Nous avons utilisé toutes les informations disponibles venant d’organisations internationales comme la Croix-Rouge, présentes dans le pays. Le livre a été rédigé et diffusé à Kinshasa en dix jours !
C’est à ce moment que j’ai eu la Révélation du Numérique (sourire).
« Parmi les pionniers de Technofutur »
Un an plus tard la Région wallonne fondait Technofutur Tic à Gosselies. J’ai fait partie des premiers engagés, avec la mission se sensibiliser tous les publics – enseignants, étudiants, travailleurs – à ces nouvelles technologies afin qu’ils se les approprient. Seulement 5% à 10% de la population utilisait le numérique. Déjà à ce moment on a parlé de fracture sans que ce soit aussi flagrant que maintenant vu que l’immense majorité n’y avait pas accès et n’en souffrait pas.
L’exclusion n’était que très relative. Personne ne risquait de perdre un droit ou un centime parce qu’il n’était pas connecté. En 2024 si tu n’es pas connecté, il ne t’est pas possible de réaliser une opération bancaire ou de demander une « prime vélo » à la Région wallonne.
Il faut donc accompagner les personnes réticentes ou vulnérables en leur offrant un nouveau service qui est la médiation numérique. Et faire en sorte que toutes les administrations publiques ainsi que les associations et les groupes sociaux se dotent de médiateurs.
Nous avons importé de France le principe des Espaces publics numériques, les EPN, créés officiellement en 2004. Cent septante implantations sont installées aujourd’hui en Wallonie.
« Nos capacités manipulatoires et cognitives diminuent avec l’âge »
Lors du salon du numérique, des intervenants ont nuancé le fait que les plus vulnérables soient les personnes âgées…
On a mis en parallèle la curiosité et l’aisance d’aînés très performants et l’embarras de nombreux jeunes qui savent envoyer les textos et consulter leur smartphone, mais sont incapables de rédiger et de poster un CV sur le site d’un employeur.
Reste que le développement de plus en plus sophistiqué des outils numériques peut freiner nos aînés dont les capacités manipulatoires et cognitives diminuent avec l’âge.
Il faut une approche globale et intégrée du numérique. Ce qui nécessitera des moyens supplémentaires, de la Région et du Fédéral pour réduire la fracture d’usage du numérique.
L’évolution est inéluctable. A Charleroi comme dans toutes les villes et communes, moderniser l’administration passe par des processus davantage numérisés.
« Les gens sont capables d’innover et de s’adapter, pas seulement les enseignants »
Vous parliez de « révélation du numérique ». Depuis 20 ans, le concept a beaucoup évolué. Le terme englobe l’Intelligence artificielle (IA) qui suscite nombre d’inquiétudes…
Je suis d’un naturel curieux et optimiste et j’ai des rasions de l’être. A Techofutur, je suis responsable de trois pôles : l’enseignement, l’innovation et l’inclusion. Chaque année, nous formons au « numérique éducatif » plus de 2600 professeurs de tous les niveaux.
Il y a 80 000 enseignants actifs en Belgique francophone.
Cet été, 550 professeurs se sont inscrits à une formation spécifique sur l’usage de l’IA dans leurs cours. On ne parle pas seulement de connaissances technologiques. Nos formations induisent l’usage du « prompt », c’est-à-dire une instruction ou des données fournies à un système d’IA qui les utilise pour générer des réponses ou des créations de textes, d’images etc… Elles concernent aussi des dispositifs de formation adaptée ainsi que des stratégies pédagogiques.
Toutes ces personnes sont venues spontanément, paient leur déplacement.
« Favoriser l’utilisation efficace des outils fantastiques associés à l’IA »
Je crois à la capacité d’innovation et d’adaptation des gens, pas seulement des enseignants.
Et cela ne se passe ni à Bruxelles, ni à Liège ni dans le cadre d’une ville universitaire possédant une faculté de sciences pédagogiques, mais à Charleroi. On peut aller très loin ici en termes d’innovation et de sérieux, même dans des secteurs où l’on n’a pas le terreau pour le faire. Il faut amplifier la dynamique associée au label de Ville Apprenante, qui insiste sur le fait que la formation soit au cœur du développement de la cité.
Quant à l’impact de l’Intelligence artificielle sur nos vies, nos activités, notre rôle en tant qu’humain, je ne balaie pas les questionnements d’ordre éthique et philosophique ; je fais confiance à la capacité d’adaptation. Ce peut être l’objet d’un autre débat. Mon job c’est de favoriser l’utilisation efficace de ces outils fantastiques générés par l’IA. Il ne faut pas en avoir peur. Ceux qui la craignent ne l’utilisent pas.
Quels sont tes objectifs en tant que candidat ?
Devenir échevin du numérique (sourire). Comme le futur bourgmestre me l’a proposé.
Carrément ?
C’est une boutade ! (ah bon ?). Pourquoi suis-je candidat ? Pour agir. J’ai eu et j’ai encore une vie professionnelle intense. Je vais avoir davantage de temps libre et je souhaite consacrer cette énergie que j’ai encore à des projets qui me tiennent à cœur.
Le terrain local en est un. La mutation que la ville de Charleroi a opérée depuis les deux dernières mandatures est loin d’être complète. L’esquisse n’est pas parfaite non plus. Il y a des points à améliorer. Je prends le binôme emploi/formation et la diplomation. 53% des demandeurs d’emploi de Charleroi n’ont pas dépassé le niveau des secondaires inférieures. Le taux était de 55% il y a cinq ans. Cela ne diminue pas assez vite. Or la diplomation est la clé de beaucoup de politiques. C’est la clé d’un bon métier, la clé de l’insertion, la clé de la capacité de financement de l’action publique.
On a beau avoir un campus dans le Haut de la Ville qui s’adresse aux futurs universitaires et un autre dans le Bas de la Ville pour le numérique, l’urgence est de travailler aussi pour les populations actuelles. Et là, il y a un gap important.
« Le chantier du centre-ville »
Un autre chantier, c’est le centre-ville.
Je trouve le projet urbanistique remarquable. Mais la Ville s’est-elle adaptée aux nouveaux besoins de ses habitants et aux nouveaux modes de création, de travail, de collaboration, de loisir, de consommation ? Je n’en suis pas certain. Nous ne pouvons pas attendre 20 ans pour remplir les espaces vides et les locaux abandonnés. Faute de quoi, cette ville reconstruite risque d’être de nouveau en friches.
Tes priorités ?
Les enjeux de mobilité et de sécurité. J’ai un point d’attention pour les besoins des aînés. La manière dont une Ville traite ses aînés est représentative de la façon d’inclure tout le monde, les personnes isolées, les personnes à mobilité réduite, les personnes issues de la migration. Les plus de 60 ans constituent un cinquième de la population de Charleroi. Ils ne demandent pas d’être placés dans une catégorie homogène. Ils sont aussi diversifiés que l’ensemble de la population, que ce soit en termes de résistance physique, d’activités et de goûts. On peut avoir 63 ou 75 ans et préférer les Rolling Stones ou Led Zeppelin à l’opérette.
Avec l’augmentation de l’âge moyen, ce qui était avant le « troisième âge » couvre une tranche de plus en plus large, au moins aussi importante que l’enfance et l’adolescence additionnées.
On peut tout de même dresser une liste des demandes spécifiques pour que Charleroi soit une ville « amie des aînés ».
La première demande, c’est de sentir à l’aise. Trop de personnes renoncent à un abonnement au théâtre parce que si elles vont en voiture, elles ne se sentent pas à l’aise dans un parking souterrain ni sur le trajet entre le parking et le théâtre, le cinéma ou le restaurant. Les transports en commun ? Les horaires sont réduits, les accès pas toujours aisés.
L’espace public n’est pas suffisamment sécurisé. On ne parle pas de mettre un policier à chaque coin de rue, mais de proposer des aménagements rassurants aux carrefours, de maintenir un éclairage suffisant, de s’appuyer sur la technologie pour favoriser la sécurité.
« On n’a plus besoin d’aller à Charleroi, on a tout ce qu’il faut ici »
Un voisin de Mont-sur-Marchienne me disait récemment : « on n’a plus besoin d’aller à Charleroi, on a tout ce qu’il faut ici ».
Il parlait de la santé, des restaurants, des commerces, en attendant la réouverture du Centre culturel. En plein accord avec le programme des Engagés, je défends avec vigueur le cadre de vie de nos quartiers si vivants dans les anciennes communes qui restent une référence importante.
J’ai la chance d’habiter dans le centre de Mont-sur-Marchienne qui fonctionne toujours comme un village, avec ses commerces de proximité, une animation qui rassure. Pour qui a ou qui garde la possibilité de marcher, il ne faut pas plus d’un quart d’heure pour conduire ses enfants ou ses petits-enfants à l’école, passer chez le boulanger et le pharmacien, rencontrer une connaissance.
Des quartiers ont besoin d’être réhabilités, d’autres préservés. Mais où que nous habitions, nous avons aussi besoin d’un centre-ville qui nous parle où nous avons, aussi, nos habitudes.
Tu as accepté de soutenir les Engagés en étant candidat à la Région. Que t’a apporté cette première expérience ?
Ce fut un bon tour de chauffe, qui m’a permis de découvrir la réalité de la scène politique et de mesurer les réactions des gens. J’avoue avoir été surpris par la virulence d’une partie de la population qui est dans l’opposition systématique, n’a plus confiance dans les institutions, utilise les réseaux sociaux comme un défouloir absolu.
Ça me fait peur. Et en même temps, quand il est possible d’aborder un sujet plus pointu comme l’éducation, l’accès au numérique, les gens sont prêts pour un échange. J’en ai eu de très riches. C’est encouregant.
Puis-je apporter quelque chose d’utile ? J’ose croire que oui.
CV de Pierre Lelong
Responsable Enseignement, Innovation et Inclusion numérique à Technofutur
- Contact
45 rue des Goutteaux, 6032 Mont-sur-Marchienne
0497/54 26 11
63 ans, marié, deux enfants
Formation
- Master en droit de l’UCL
Expériences professionnelles
- Editeur en Sciences humaines
- Consultant en stratégie digitale
- Expert Inclusion numérique
- Manager de formations numériques
- Chargé de cours Enseignement supérieur
Qualités
- Innovation
- Leadership
- Pédagogie
- Esprit de collaboration
- Engagement citoyen