– Oui, je reviens de la Diagonale des Fous.
Frédéric Dercq, qui n’en dit pas davantage, sourit de son effet.
Nous avions rendez-vous pour évoquer les Apéros Pôle Pastur, l’événement rassembleur du début septembre à Mont-sur-Marchienne. Il en est un des organisateurs, avec Eric Huwart, notamment, patron de la librairie éponyme.
Et comme il tient le magasin O2 Max, spécialisé pour tout ce qui concerne la course à pied et la randonnée, nous lui demandions, à la fin de la rencontre, s’il avait couru, ou courait encore en compétition. Histoire de vérifier lui-même la qualité de ses produits.
Affirmatif donc. Et quelle compète ! La terrible et bien nommée Diagonale des Fous à la Réunion.
165 km, 10 000 m de dénivelé
Cette épreuve, si vous l’ignorez, c’est le must des « ultra-trails ». Comprenez : une course tous terrains, y compris la haute montagne, qui traverse de l’île du sud-est au nord-ouest. 165 kilomètres, 10 000 mètres de dénivelé. Il lui a fallu deux nuits et deux jours, précisément 53 heures, 16 minutes et quatre secondes pour boucler ce raid hallucinant qui culmine à 2400 mètres.
Et sans dormir ! Trois Carolos, quadragénaires comme lui – il a 49 ans – l’accompagnaient. Olivier Beguin, Quentin Marchal, lui-même – de gauche à droite sur la photo – sont arrivés ensemble, Antonio Ammendola un peu plus tard.
Pas plus que le chrono, la place n’a d’importance dans ce genre de défi exceptionnel qu’un sportif amateur ne fait qu’une fois dans sa vie.
Le marathon, qui paraît « aisé » en comparaison, c’est autre chose. Il en a disputés plusieurs, ne cache pas sa fierté d’en avoir réussi un sous les 3 heures. Et pour ses 50 ans, il disputera le premier marathon de Charleroi, le 12 mai prochain.
« Après 40 ans, il aurait été trop tard »
Point commun avec les apéros Pôle Pastur ? Il y en a deux.
C’est déjà un groupe de potes qui en a amené l’idée. Et s’il les a rencontrés, c’est à la suite d’un défi professionnel.
Licencié en communication (UCL), Frédéric Dercq travaillait au Forem en tant que manager du réseau EURES qui réunit les Services publics de l’emploi de tous les Etats membres de l’Union européenne, quand il décida de changer d’horizon. Pour quelle raison alors qu’il qualifie son boulot de passionnant ?
« L’envie de changer d’air, de créer quelque chose qui me ressemble. J’approchais de la quarantaine. J’estimais qu’au-delà ce serait trop tard. J’ai songé à ouvrir un magasin de sport qui pouvait à la fois satisfaire les coureurs et les randonneurs. C’était mon sport. Son succès ne se démentait pas. »
Enfant de Mont-sur-Marchienne
Mais où jeter l’ancre ? Le déclic vint d’un ami, Xavier Payen qui installait son magasin de jouets au coin de l’Avenue Paul Pastur et de la rue de l’Eglise. « Le bâtiment qu’il quittait se trouvait juste en face ; il appartenait à la Fabrique d’église. Comme toute ma famille, je suis un enfant de Mont-sur-Marchienne, c’était l’espace rêvé, proche de mes racines et bien situé. »
Les fonds pour l’acheter ? « J’ai sollicité les banques, le projet a plu. J’ai pu développer ce que je souhaitais : occuper une niche sportive, en étant constamment à l’écoute des nouveautés. »
Ce coin de Mont-sur-Marchienne est l’un des plus attractifs de notre ville. Sa vitalité est impressionnante. Les commerces qui longent l’avenue sont prisés. Outre les habitants du cru, ils attirent une clientèle issue de la banlieue verte de Charleroi et même au-delà.
Pole position
Maintenir un niveau d’excellence, la pole position en quelque sorte, cela ne se décrète pas mais se travaille. C’est ce qui a cimenté un groupe d’amis commerçants de la même artère. Ils ont créé une association en 2017, l’asbl Pôle Pastur. Premières activités : « se soutenir les uns les autres en invitant nos clients à des animations dans un des magasins d’un membre du groupe ».
Ils ont fait le choix de garder un nombre réduit de membres : dix. Neuf commerçants (Fox & Compagnie, Belfius, O2Max, Cobalt, Illico, Saveurs, la Vigneraie, la librairie Huwart et Morgan Optic), plus le Musée de la photo. Une question d’affinités. Et d’efficacité.
« D’autres commerçants ont souhaité nous rejoindre, reconnait Frédéric Dercq. Il a fallu dire non. Nous ne sommes pas opposés à l’association des commerçants de Mont-sur-Marchienne dont nous sommes d’ailleurs membres. Notre but est de développer des activités qui nous correspondent, en complément des classiques comme la braderie. Aujourd’hui, tout le monde a compris que nos réalisations sont bénéfiques pour l’ensemble des commerçants. »
Les bons conseils des étudiants carolos
Rapidement naquit l’idée de créer un événement pour faire mieux connaître la dynamique de Mont-sur-Marchienne.
Ce fut les apéros Pôle Pastur. Lancés en 2018, ils ont été inspirés par la Wake up, organisée par des étudiants à Charleroi. « Nous leur avons demandé de décentraliser leur endroit. Impossible, ils étaient liés au code 6000. Dans les limites de l’ancienne ville donc. Ils nous ont dit : “lancez-vous, on va vous aider “.
Nous avions le lieu, magnifique : les jardins du Musée de la photo qui avait donné son accord. Nous avons calqué l’organisation, l’horaire, 18 h–minuit, choisi pour ouvrir le rassemblement à un maximum de personnes, dans une ambiance festive et familiale. La réussite a dépassé nos prévisions : 2 000 participants ! »
Un trait d’union
Les interruptions Covid n’ont pas démenti l’attrait : 3000 personnes l’an dernier et cette année.
Les participants ressentent que les apéros Pôle Pastur, c’est l’équivalent d’une marche, d’une fête, un moment convivial très dense où l’on affiche, ensemble, la fierté d’une appartenance. C’est le cœur de Mont-sur-Marchienne qui bat. Les Jardins du Musée offrent l’écrin idéal pour le sentir et le faire vibrer à l’unisson. L’ambiance, chaleureuse et décontractée, montre que ces retrouvailles annuelles répondaient à un besoin et qu’elles plaisent au-delà de la commune. Mont-sur-Marchienne s’arbore en trait d’union liant la métropole et ses voisines du sud.
Les bénéfices sont distribués à des associations de la localité.
Pôle Pastur organise également une opération annuelle de ramassage des déchets, en collaboration avec Tibi et la RTBF.
BHNS : besoin d’informations
Deux souhaits ont conclu l’entretien.
Le premier concerne le BHNS, impossible de ne pas l’aborder. Il s’exprime en commerçant.
« Je suis favorable sur le principe. Mais il y a un gros souci : le flou des informations. Cela concerne les modalités, le phasage des travaux. Pour un commerce comme le mien (j’en connais d’autres), des commandes sont faites six mois à l’avance. Je dois gérer l’approvisionnement, j’ai donc besoin de savoir quand je serai impacté. »
Pour le second, c’est le sportif qui parle. Au nom de ceux qu’il côtoie, conseille, encourage.
« J’aimerais trouver une piste où l’on puisse pratiquer l’athlétisme gratuitement ou moyennant une location réduite. Cela manque à Charleroi. On me dit que ce n’est pas possible au stade Jonet, alors que ça l’est sur piste de Fleurus. J’entends bien qu’il faille surveiller, mais je suis sûr qu’il y aurait moyen de partager ce formidable outil. »
Parole d’un Carolo sportif, bien dans ses baskets, pour qui les étapes de sa vie (O2 Max, Pôle Pastur, la Diagonale) sont des défis individuels qui se pratiquent collectivement.