Ce mec est un remède contre le défaitisme et la morosité. A 35 ans, Gauthier Bielen, directeur-fondateur de Pop4you, a la jovialité pétaradante d’un démonstrateur. Qu’il a d’ailleurs été très jeune, sur le marché de Charleroi et d’ailleurs. Avant d’inventer le « popcorn aromatisé » qu’il fabrique dans son atelier, installé près de l’Abattoir de Gilly.
Des études, indépendant ou chômeur ?
Et ça fait un bien fou d’entendre ce Carolo pur jus raconter son histoire. Qui valorise si bien sa ville qu’il trouve « exceptionnelle », « en plein renouveau ». Sous-entendu : pour celles et ceux qui, comme lui, osent y investir. C’est-à-dire S’Y investir.
« A la fin de mon secondaire, j’étais indécis. J’étais passionné de psychologie mais je ne voulais pas en faire un métier. Ma mère m’a dit : « Tu as trois possibilité. Tu te lances comme indépendant, tu fais des études ou tu vas au chômage. J’ai choisi la première option ».
Indépendant, il l’est déjà, en accompagnant son père qui bossait sur les marchés en assurant la qualité de poêles en pierre de lave.
Le prix de la nouveauté des Arts ménagers
L’idée du popcorn surgit dans un casino de Las Vegas lors d’un voyage avec sa compagne. Il y découvre une boutique de popcorns aux couleurs et aux saveurs différentes. Essentiellement salés, tendance hamburger (oignons, ketchup etc…).
« Chez nous, il n’existe que le popcorn basique, soit sacré, soit sucré. J’ai pensé qu’il était possible de créer une gamme adaptée à nos goûts qui puisse plaire à tout le monde ».
Il se lance en 2016. Un essai couronné d’un succès. Présent sur un stand du Salon des Arts ménagers, il remporte le prix de la nouveauté. La petite casserole où il cuit ses produits est gardée précieusement sur l’étagère de son bureau monacal de Gilly. Elle vaut toutes les coupes du monde !
Il cherche un endroit pour installer un atelier. En août 2018, il déniche une opportunité, très discrète, au fond d’un petit centre commercial situé à Montigny-le-Tilleul en face de Vésale.
Tradition américaine et mode belge
Il tient son filon : du popcorn liant la tradition américaine et la mode belge qui se décline en saveurs inédites. Aux arômes classiques qui s’étalent chez les marchands de crèmes glacées (tous les fruits, le caramel, les spéculoos), il ajoute le cheddar, du paprika, quelques alcools dont le whisky, à faible dose rassurez-vous, ou encore, dernières innovations, l’andalouse et la samouraï.
On se croirait dans une publicité pour une sauce bien connue. A table !
Confiseur forain
Son popcorn « made in Charleroi » sort des salles de cinémas. Il prospecte les marchés, les foires, les grandes surfaces.
Sa publicité ? « Le bouche à oreille », sourit-il, ravi, décochant au passage une pique à l’égard des banques, frileuses quand elles sont sollicitées pour des projets émanant du milieu du marché ambulant. « Ils sont jugés trop risqués », dit-il.
Il admet que la période COVID a favorisé sa croissance. Le terrier montagnard ne suffit plus. Il loue une surface plus importante à Gilly : une partie pour la fabrication, une autre pour le stockage et l’administration. Il élargit la production aux barbes à papa, aux granitas et se définit désormais en « confiseur forain ».
Arômes et colorants naturels
La production ? 95 000 paquets et trente saveurs de popcorn ; 175 000 et une vingtaine de saveurs de barbes à papa en 2023.
D’où vient le maïs ? « De France et des Etats-Unis. Celui qui est cultivé en Belgique ne convient pas. La température n’est pas – pas encore ? – assez chaude pour produire du maïs plus sec, la condition pour obtenir l’éclatement. »
Le maïs est sans OGM, ses gâteries sont travaillées avec des arômes et des colorants naturels, sans conservateurs ni gluten.
Et ça plaît ! Son champ d’action s’étend aux bars à cocktails ainsi qu’aux réceptions et aux fêtes familiales comme la Saint-Nicolas et Halloween.
Outre son savoir-faire d’artisan inventif et son audace réfléchie d’investisseur avisé, il a le contact aisé, un entregent qui lui ouvre toutes les portes. L’organisateur d’une fête enfantine à laquelle sa fille participe lui parle du partenariat orchestré par le Sporting de Charleroi. La mise le surprend par sa modicité : 1500 €.
L’accueil ? Impeccable
Un bon investissement. Financier (il réussira à placer ses produits au Sporting après trois ans) et humain.
L’accueil ? « Impeccable. Nous sommes 300 partenaires, très diversifiés. Impressionnant. Mais on sent que ces personnes, quels que soient leur statut, leur notoriété et leur chiffre d’affaire, ont envie de te mettre à l’aise. Ils t’abordent comme un des leurs. Et si je ne devais citer qu’un seul, ce serait Walter Chardon, le directeur commercial du Sporting qui agit en vrai public-relations. Je l’adore. »
- Entre partenaires, c’est le principe, non ?
- « Oui, mais pas avec cette intensité propre à Charleroi, notre côté direct et sans chichi. Dans mon travail de prospection, j’ai eu des contacts avec des gens de toutes les régions du pays. Nulle part je n’ai rencontré la même spontanéité, la même complicité que chez nous. Se tutoyer après un premier contact de 5 minutes, ça fait partie de notre ADN. Ça va de soi. Nous ne nous rendons pas assez compte combien c’est précieux. »
Etendre son réseau
Il est vrai que Gauthier Bielen, avec sa rondeur rassurante de bon vivant, ne présente pas les caractéristiques du précieux gourmé. Et que ce soit en participant aux activités du B4C dont il est membre ou à celles du Rotary où il vient d’entrer, il se fait sa place, avec pour seul parrainage sa personnalité propre.
S’il a conscience d’être un acteur de nouvelle dynamique carolorégienne, il se garde de le claironner. Il ne se prend pas pour un exemple. Il dit juste que pour un(e) jeune qui lance son activité, notre région est pleine d’opportunités.
La continuité d’une réputation exceptionnelle
Le regard qu’il porte sur notre bassin de vie est admiratif. Son jeune âge le préserve de la nostalgie. S’il voit les stigmates du déclin industriel, s’il n’ignore pas les dégâts humains, il préfère parler de la continuité en termes de notoriété. « Nous avions une réputation exceptionnelle. Pas un moteur en Europe, jadis, qui n’ait un composant fabriqué dans la région de Charleroi. Aujourd’hui, nous restons à la pointe dans l’aéronautique, à l’image de la Sonaca et bientôt de la création d’Aerospacelab de Benoît Deper qui sera la plus grande usine de fabrication de satellites en Europe. Et je ne vous parle pas de nos performances en biotechnologie. L’actualité regorge de bonnes nouvelles.
Je me sens très modeste, avec mon équipe de six employés. Je veux juste souligner que l’environnement carolo nous pousse vers le haut. A mes débuts professionnels, il y a 15 ans, on sentait déjà des signes d’un renouveau. Aujourd’hui, on est dans le concret d’une phase de relance ».
Sponsor du Cécifoot et d’un nouveau club de Gilly
La dimension sociale est intégrée dans son agenda de vie. Sponsor du Sporting, il est aussi du Cécifoot, le club créé en 2013 par Michel Bertinchamps, présidé par Roberto D’Ortona.
« Comme il n’y a pas assez de clubs en Belgique pour un championnat, le club organise des tournois internationaux. Je les aide à trouve un hôtel pour les délégations étrangères. Pas simple de caser un groupe de 80 personnes ! »
Gauthier sponsorise également un jeune club de Gilly, Carolo Football où sa fille de 11 ans et son fils de 9, jouent. De création très récente, le club, déjà monté d’un échelon a l’ambition de rejoindre la division 2 provinciale.
Sélectionné pour les championnats du monde de sabre
A-t-il lui-même joué au football ?
« Non, mais j’ai derrière moi une petite carrière d’escrimeur. J’ai même participé à un championnat du monde au sabre, en Serbie.»
Il rigole de l’effet.
Ce n’est pas lui faire offense que d’afficher un léger étonnement.
« Il y avait un cours d’escrime à Vauban. Je m’y suis inscrit, j’ai apprécié, je n’étais pas mauvais et j’ai adhéré à un club basé à Montigny-le-Tilleul, Estoc et Taille, animé par le maître d’arme Olivier Navarre. Nous nous entraînions dans le bâtiment de l’ancien centre aéré de la rue de Bomerée.
C’est vrai que j’ai été sélectionné pour un championnat du monde junior. Je me suis fait ratiboiser, mais enfin, j’y étais… »
Le Sporting se sauvera
Retour au Sporting.
Lors de notre entretien, début février, les Zèbres se trouvaient mal embarqués, menacés de descendre d’un étage. Que pense le partenaire ?
« Je ne m’occupe pas du volet sportif, mais entre partenaires, forcément, on parle. La situation actuelle est préoccupante. Il ne faut pas être un expert en football pour savoir qu’une descente en division 1B serait préjudiciable en termes d’impact.
Mais ne soyons pas pessimiste : le club a les moyens et la volonté de se sauver ».
Descente interdite, on a compris le message.
Retour dans l’entreprise : faut-il aimer les popcorns pour être engagé chez POP4you ?
« Evidemment !»
Affirmation aussitôt démentie par un énorme éclat de rire.
«Je taquine les nouveaux avec ça. Mais avouer devant moi qu’on n’aime pas trop le popcorn avec un arôme samouraï indique une personnalité qui a du cran. Et ça, je suis preneur !»