Dans le cadre de la journée mondiale de la trisomie 21, le 21 mars, nous avons eu l’occasion de rencontrer Carmela Morici. Elle est l’heureuse maman de Luther, 13 ans, porteur de trisomie 21 et d’autisme. Mais pas seulement, elle est aussi la fondatrice de l’ASBL Alternative 21 qui lutte pour l’inclusion et la mixité dans la société. Et elle travaille aussi à l’Eden en tant que Responsable de l’Action Culturelle et des Relations aux Publics.
La trisomie 21
Tout d’abord la trisomie 21 qu’est-ce que c’est ? C’est une modification génétique. Une personne non atteinte possède 23 paires composées de deux chromosomes chacune, par contre quelqu’un atteint de cette déficience aura sur la 21ème paire, trois chromosomes à la place de deux.
Concrètement, Carmela nous explique qu’il y a autant de formes de trisomie 21 différentes que de personnes porteuses. En effet, il n’y a pas de modèle type, chacun·e est différent·e. Cependant un individu porteur de trisomie 21 aura un retard intellectuel plus ou moins conséquent et des répercussions physiques sur par exemple la taille ou le poids. Certaines personnes peuvent avoir une vue altérée, des problèmes cardiaques, une hyperlaxité entre autres. Bien évidemment, plus la personne va être prise en charge plus tous ses symptômes peuvent diminuer. Par prise en charge il faut entendre : logopédie, stimulation etc.
Alternative 21
La maman de Luther a fondé l’ASBL en 2016 quand son fils était sur le point de finir ses maternelles et que la question du primaire commençait à se poser. Elle nous explique qu’à l’époque elle avait deux choix. Soit inscrire Luther dans l’enseignement spécialisé. Et bien qu’elle ne dénigre en aucun cas cette forme d’enseignement, elle croit fortement aux bénéfices de la mixité et selon elle placer son fils uniquement avec des personnes comme lui, atteintes de déficiences, n’était pas le bon chemin pour son évolution. L’autre possibilité était d’inscrire Luther dans une école générale mais là encore elle ne pensait pas judicieux de mettre son fils uniquement avec des enfants qui ne lui ressemblent pas et en étant le seul avec des différences.
Elle a donc créé l’association afin de proposer une alternative à ces deux possibilités (d’où le nom « alternative 21 ») qu’elles ne pensaient pas les meilleures pour son fils. Avec son ASBL elle va alors mettre en place une classe qui allie l’enseignement spécialisé et ordinaire. En 2016 l’école Saint-Paul à Mont-sur-Marchienne va donc ouvrir les portes d’une classe spécialisée dans une école ordinaire, la solution parfaite pour répondre au besoin de Luther tout en l’incluant avec des élèves à la fois « normaux » et des élèves atteints de déficiences.
Classe alternative
Carmela décrit la classe alternative de l’école Saint-Paul comme les couches d’une lasagne. Il y a d’abord les récréations, les excursions, tous les moments non-pédagogiques qui se déroulent en mixité totale, les élèves de la classe spécialisée sont mélangés avec les élèves de l’ordinaire. Ensuite il y a les moments par classe durant lesquels les cours se donnent en non-mixité. Par contre de temps en temps une classe de l’enseignement ordinaire vient rendre visite à la classe de Luther ou inversement pour faire des ateliers, activités en groupes mixtes. Et pour finir il y a les périodes qui répondent aux besoins spécifiques et individuels des élèves de la classe spécialisée. Par exemple si un élève a des facilités en math ou en lecture il peut aller dans une classe ordinaire pour une de ces leçons, toujours accompagné de responsables bien sûr.
Ce dispositif est bénéfique évidemment pour les élèves de la classe spécialisée mais également pour tous les élèves de l’école, en effet pour les enfants qui ont côtoyés cette école toute leur vie le handicap est tout à fait normal pour eux, c’est quelque chose qui fait partie de leur quotidien. Et bien évidemment ce genre d’initiative diminue considérablement le harcèlement envers les personnes différentes.
Aujourd’hui cela fait 8 ans que cette classe a ouvert et avec le temps et un nouveau directeur de nouvelles visions sont apparues mais les valeurs essentielles sont restées. Carmela explique que selon elle, Alternative 21 n’était qu’une étincelle pour le projet qui continue très bien sa route après 8 ans.
Sensibilisation
« Est-ce que je fréquente des personnes en situation de handicap ? » c’est la question que s’est posée la maman de Luther au lendemain de sa naissance et de l’annonce de sa condition. Selon Carmela tout le monde devrait se poser cette question, et malheureusement elle a réalisé dans son lit d’hôpital que la réponse était négative, elle n’avait pas de connaissances proches atteintes de déficiences intellectuelles ou physiques. C’est pour cela que se battre pour une société inclusive est crucial, pour sensibiliser et habituer les gens à la différence.
Il est normal d’avoir peur de mal réagir ou de ne pas savoir quoi faire en présence d’individus en situation de handicap, mais cette gêne n’arrive qu’une seule fois, la première fois. Plus on côtoie des personnes avec de déficiences mentales et/ou physiques, plus on s’habitue et plus il est facile de les appréhender. Il est important de réaliser que ce sont des êtres humains avant tout certes avec parfois des comportements inhabituels mais il suffit d’apprendre à les connaitre ou de simplement leur parler pour réaliser qu’elles sont bien réelles.
Luther
« Quand on nous a annoncé que Luther était atteint de trisomie 21 on nous a dépeint un tableau très sombre de ce que sa vie et ma vie serait. Mais aujourd’hui la première chose que mon fils fait même avant de se réveiller c’est sourire, et notre vie n’as rien à voir avec ce que les médecins nous avaient prédit à l’hôpital. » Carmela décrit son fils comme étant un ado heureux et épanoui, qui chante, danse, fait de la musique, nage et est toujours de bonne humeur. Certes sa déficience est assez lourde et importante mais la joie que Luther procure à sa maman est à la hauteur des épreuves. Selon elle avoir un enfant atteint de trisomie 21 et dans son cas aussi d’autisme c’est comme grimper l’Himalaya : très difficile et parsemé d’embuches mais en arrivant au sommet on a une vue imprenable. Aujourd’hui Luther est en première secondaire à l’école Saint-André dans une classe comme celle qu’il avait en primaire c’est-à-dire spécialisée dans une école normale.
« Luther a changé ma vision de voir le monde, il voit le beau ! »
Quotidien d’une maman
Quand on lui demande de décrire son quotidien Carmela le formule comme un marathon à la vitesse du sprint. Mais jamais sans se plaindre elle affirme que son quotidien est composé de ses propres choix. Elle a choisi de travailler à l’Eden, de lutter pour une vie inclusive et active pour son fils et de créer son ASBL. En plus de tout cela Luther ne fait pas des nuits complètes donc elle n’a pas non plus beaucoup de temps pour se reposer. Alors bien qu’elle aurait besoin de 48 heures dans une journée et qu’elle a très peu de temps personnel, elle ne changerait sa vie pour rien au monde.
Bien évidemment, Carmela a dû apprendre au fil temps à être la maman de Luther. Elle nous dit que l’on devient parent de son enfant et qu’on grandit en même temps que lui. Elle a été amenée à comprendre au fur et à mesure des étapes de la vie de son fils que le plus important est de se fixer des objectifs et peu importe le temps que Luther met à les réaliser. Et surtout ne pas prendre en compte le temps que les autres enfants mettent à réaliser ces objectifs. « Luther suit son propre chemin, on ne peut pas le comparer aux autres. » Elle a rapidement réalisé que les déficiences de son fils ne s’en iront pas, alors si elle ne pouvait pas changer cela, elle pouvait changer tout ce qu’il y avait autour de lui et donner à Luther le meilleur environnement possible pour grandir et exploiter au maximum son potentiel.
Futur
Pour le futur de l’ASBL Carmela prévoit de rester dans la lignée actuelle c’est-à-dire de continuer à lutter pour une société plus inclusive. D’organiser des stages, des ateliers toujours bien sûr en mixité. De témoigner dans des écoles et à la presse pour faire connaître et sensibiliser à l’histoire de Luther. Mais bien sûr cette maman a aussi des projets personnels pour son fils : terminer l’école, trouver un emploi adapté peut-être même créer un projet d’habitat collaboratif et inclusif.
Elle nous explique qu’en tant que parent d’un enfant porteur de trisomie 21, il est important de trouver le juste milieu entre notre espoir et notre raison. Car si ses espoirs sont trop hauts elle va trop pousser son fils et le mettre dans des situations inadaptées pour lui. Mais si sa raison est trop grande alors son fils va être enfermé dans un cocon et n’exploitera pas entièrement son potentiel. « Il est important de bien placer le curseur entre mes espoirs et ma raison. »
Carmela termine par un mot pour des jeunes parents avec un nouveau-né porteur de trisomie : « Ca va bien se passer, se sera difficile mais merveilleux et surtout renseignez-vous, ne restez pas dans l’ignorance. PS : préparer de l’anticerne ! »
« C’est la plus belle aventure de toute ma vie. »
Infos :
Site Alternative 21 : https://www.alternative21.be/